FR / EN

Portrait : Christian Carlier, artisan de la laine dans le cœur du Bourbonnais.





À la rencontre de Christian Carlier, tisserand à Souvigny, au cœur du Bourbonnais.

Passionné, il se consacre aux gestes ancestraux de fabrication : filage au rouet, teinture naturelle, tissage sur métier à cadres. Dans son atelier, il confectionne des créations, pelotes, bobines et écheveaux en incarnant pleinement la mémoire de l’artisanat traditionnel.


Immiscée dans son quotidien où se mêlent tous les procédés de la laine, je suis chaleureusement conviée dans l’atelier de Christian Carlier, au centre même de son salon. Travailler en harmonie avec les humeurs du soleil, avec la vue sur l’horizon ; c’est l’inscription d’un rejet. Celui de la démesure excessive d’un monde sans fin ; avec son rythme effréné, qui ne cesse de grandir.
Dans sa maison, nous acceptons l’invitation de ralentir, car chaque étape demande du soin et de l’attention.


Servir le textile : c’est aller au-delà du tissu, du vêtement déjà conçu. Ici, on s’immerge au sein même de la création.
Comme le papier sur lequel est écrit une lettre, chaque étape nous concentre sur le fil. De son état brut, à sa fabrication et son enroulement jusqu’à son entremêlement, le fil est essentiel dans la métamorphose de la matière. Toutes les étapes de transformation requièrent à la fois du temps, de la place ainsi que des outils et savoir-faire différents.

La laine est une fibre creuse.
Avant d’être filées, les toisons sont préalablement cardées et peignées. À la main ou avec une cardeuse à rouleaux, c’est le brossage qui permet d’écarter les fibres emmêlées pour les ranger grossièrement dans le même sens et sans impureté.

Il me raconte qu’en raison de conditions climatiques rigoureuses, la chèvre pashmina sécrète un sous-poil abondant pour se protéger du froid. Christian Carlier honore l’animal, le cachemire, grâce à ses mains. Il associe notamment sa minutie auprès de l’alpaga, du yak, de la laine mérinos ou même de fibres végétales comme l’ortie.



C’est le geste de la main qui détermine l’épaisseur du fil.

Il commence alors le mouvement qu’il apprit seul et j’observe sagement le rouet fonctionner. De par un regard méticuleux, la roue entraîne la poulie, solidaire à l’épinglier. La bobine quant à elle, est libre, mais se freine de par la traction exercée avec la différence de vitesse. Il faut en effet, que la bobine et l’épinglier tournent à une vitesse légèrement différente, imperceptible à l’œil nu, pour qu’il y ait un enroulement du fil sur la bobine. C’est le filage au rouet à tension à l’Écossaise

Avec trois rouets différents, il utilise également le rouet à double entraînement. Christian Carlier me partage aussi le filage au rouet à tension à l’Irlandaise, où c’est la bobine qui est entraînée par la roue et l’épinglier, qui lui, est freiné.


Bobines, pelotes et écheveaux ; sur les marchés, évènements et salons, d’après ses propres mots, il est perçu comme : « un être tombé de la lune ».
Magicien de la laine, peut-être que son art réveille en chacun de nous ; un savoir-faire, un geste, un souffle oublié. Enseveli sous une industrialisation complexe, externalisée qui creuse voracement dans une quête de main-d’œuvre à moindre coût.
Peut-être qu’il est temps de se souvenir. De se rappeler qu’il y a quelque temps, comme la plupart des autres pays du monde, l’Occident tissait et filait encore au cœur de chaque toit.

Accueillir, honorer, sans abîmer.



Ses réalisations textiles sont complexes et s’associent à des laines particulières, qui créent le tissu, grâce à son relief, sa texture et son motif.

Dans une méditation presque silencieuse, j’écoute les cadres se lever et se rabaisser de son métier à tisser. Le fil de laine vient et passe dans la foule, de manière régulière, pour créer au fur et à mesure, un tissage chevron. Plusieurs panneaux, patiemment tissés, seront nécessaires pour confectionner une pièce unique. Travail fatigant et fastidieux. On ne cherche pas à gagner du temps ; c’est la transmission du moment présent avec conscience et humilité.

C’est dans la nuit la plus noire que l’on peut voir les étoiles.


Notre dernier échange se peint sur la voie du tissage. Sur son chemin, pourrait se résumer la rencontre de son guide : son épouse, qui lui a transmis le cœur du textile.

Honorer nos ancêtres, nos traditions et des millénaires d’un savoir-faire, qui est bien plus que des fils entrecroisés. C’est la rencontre de plusieurs chemins, de l’écriture d’une histoire qui nous lie au monde, à l’humain, à la Terre et à ce qui vibre au plus fort en nous ; l’amour et l’unité. 




Je repars avec une gratitude simple. Une paix échangée au rythme de l’artisanat, entre transmissions humaines et textiles.
Merci pour votre accueil et pour votre partage.










Contact :
Christian CARLIER
Filage - Tissage - Stages
christiancarlier@gmx.com
+33 6 01 13 73 08
Souvigny, France.