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Portrait : Mbarka, tisserande de tapisserie de haute-lisse berbère.On apprend toujours de ce qui apparaît sur notre chemin. Ce jour-là, ce sont ses yeux qui se sont posés sur mon regard.
Il y avait du bruit, mais c’est dans un étourdissement presque furtif, que nous sommes rentrées en résonance.
Elle m’observe pendant un subtil instant. Le temps s’arrête et je m’effondre. Du haut sommet de la montagne, je suis jetée à l’intérieur. Il n’y a plus rien du tout qui ne peut compter autour de nous.
Cette femme, assise devant moi, est une tisserande berbère ; ethnie autochtone de l’Afrique du Nord. Il n’y a pas de mot qui existe pour se comprendre. Parce que même sans se parler, c’est la naissance du langage du monde, qui nous traverse.
La vie existait avant de pouvoir s’inscrire sur les carnets de registres des naissances. Pourtant, elle est intemporelle. Née avant même d’être nommée ; elle fait partie de ces êtres sans mesure du temps qui passe. Elle n’a pas d’âge.
Elle est.
Je ne connais pas sa langue, alors on me traduit l’essentiel.
Elle travaille aussi bien dans les champs que dans chaque procédé de la laine.
Mains de la terre, il y a dans toute la tapisserie de haute-lisse d’ici, sa quintessence. Chaque fil de chaîne et chaque fil de trame incarnent son indépendance.
Doyenne et figure maternelle, elle est l’emblème qui porte le savoir-faire. Elle est la mère qui contient et perdure à travers les générations.
Aînée de celles qui respirent tant de vies dans une seule histoire.
Accueillir et recevoir intimement l’humanité en touchant l’essentiel. Je crois que c’est comme ça que l’on grandit.
Dans un échange entre deux regards : le miroir et son reflet.
Dans la sagesse entre deux pensées : la présence infinie.
J’apprends de cette femme, de son silence et de sa tendresse.
Il est temps de partir. Ressentir les au revoir douloureux de cette quête.
Ne pas regarder ces mains qui se dénouent.
Ces joues qui se touchent pour la dernière fois.
Et enfin, ces yeux qui ne se voient plus.
Elle m’écrit son nom et je peux lire que celle qui est face à moi se nomme, Mbarka.
Fondée dans l’absolu, elle a prié en me souhaitant une bonne vie. On ne sait jamais quand on verra une personne pour la dernière fois.
Hommage à Mbarka,
À tout ce qui me traverse, dans les rencontres et dans les instants de cette existence.
Regarder le monde avec les yeux d’un enfant.
Je tisse mes souvenirs,
Je prie le temps de ne pas oublier ton visage,
Et quand doucement mon sommeil t’efface,
L’ombre de ton reflet se dissout.
Je tisse mes souvenirs,
Je prie le temps de ne pas oublier ton visage,
Et quand doucement mon sommeil t’efface,
L’ombre de ton reflet se dissout.
Association Iklane
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Talouste, Maroc.
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